Anaya Sakombi : « Repositionner la place de l’Afrique dans le monde »

Cette semaine, notre interview de Madame Anaya Sakombi, fondatrice de l’ONG « Un pas vers la femme »


Sébastien Périmony : Bonjour Madame Anaya Sakombi. Nous sommes ravis que vous ayez accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Vous vous présentez comme entrepreneuse sociale en République Démocratique du Congo et fondatrice de l’ONG « Un pas vers la femme ». Avant de présenter votre ONG, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Anaya Sakombi : Je suis Anaya Sakombi. Je suis une jeune congolaise, passionnée d’art de la communication et de culture africaine, que je chéris au plus haut point. Née à Kinshasa, c’est au complexe scolaire « La Source de Vie » que j’ai fait mes premiers
pas sur le chemin de l’apprentissage, avant de poursuivre ma formation humanitaire au Lycée-Kabambare, de 2006 à 2012. Ensuite, j’ai entrepris des études de graduat en Communications Sociales à l’Université Catholique du Congo (UCC) pendant trois ans. En avril 2016, j’ai obtenu ma licence en Business Administration, tout en restant active professionnellement. Relativement donc à cela, je suis finaliste à Leadership Academia Université et je travaille actuellement comme assistante de direction dans un Cabinet d’Expertise Conseil en Communication et Lobbying, dénommé Afrikonnexions. J’entreprends dans le domaine social et éducatif, ce qui m’a conduit à créer mon
ONG « Un pas vers la femme ».

Pourquoi et dans quel but avoir créé « Un pas vers la femme » ?

Autonomiser et réinsérer socialement les femmes en milieu discriminé m’a toujours paru une évidence. Aussi, celles et ceux qui me connaissent ont toujours vu en moi une femme déterminée, révoltée par tout ce qui se passe dans ce pays et prête à tout pour changer les choses. Par conséquent, Un Pas Vers La Femme (UPVF) est une ONG que j’ai conçue des suites d’une longue réflexion faite en pleine Covid-19, alors que nous étions tous majoritairement
confinés. C’est pour moi une façon de redonner à la communauté et de venir en aide aux personnes en difficulté.
Je me suis rendu compte que l’image des jeunes filles et femmes congolaises dont la réputation et le comportement laissent tristement à désirer est la plupart du temps très négative. Certaines d’entre elles, vulnérables, sont plus marginalisées que d’autres à cause de leurs conditions sociales et du milieu de vie auquel on les rattache ; ce préjugé identitaire est néfaste, comme une forme de condamnation et de fatalité, ce qui m’a profondément affectée.
C’est ainsi qu’en m’engageant à créer l’ASBL Un Pas Vers la Femme (UPVF), j’ai souhaité promouvoir l’éducation et l’autonomisation des jeunes femmes adolescentes dotées de forts potentiels et de fortes résiliences, en République Démocratique du Congo. Notre finalité est d’amener les mères adolescentes, au-delà de les conscientiser, à entreprendre et à comprendre l’importance de l’entreprenariat à travers des formations en métiers professionnalisants.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions concrètes que vous menez et les succès que vous avez déjà rencontrés avec l’ONG UPVF ?

Concrètement, nous soutenons les femmes en leur trouvant de l’emploi. Pour atteindre cet objectif, elles doivent suivre des formations pratiques de 3 à 6 mois et trouver un emploi (intégrer un atelier), à l’issue de leur formation. Aussi, pendant ce temps, nous leur octroyons toutes les compétences nécessaires et pratiques pour être positionnées sur le marché de l’emploi, et nous les professionnalisons dans leur interaction avec les clients (soft skills).
Par ailleurs, nous sommes actuellement en recherche de subventions et autres contributions (financières, matérielles, échanges de services) pour mener à bien nos nobles projets en faveurs des jeunes mères adolescentes des camps, provenant d’un environnement les empêchant de s’éclore totalement. Nous voulons les motiver à rêver grand en croyant en elles et en se challengeant, à travers les possibilités que nous leur accordons de développer leur plein potentiel.

Selon une note du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 5028 cas de violences sexuelles (entendre viols) dans le Sud-Kivu ont été rapportés entre janvier et juin 2021. Soit presque 30 par jour. Les agences des Nations Unies font régulièrement état de 15 000 à 20 000 viols par an dans les régions en conflit dans l’est du Congo (tous les cas étant loin d’être signalés, comme elles le reconnaissent elles-mêmes). Soit environ «48 femmes violées chaque jour dans le pays». Cette situation inhumaine est encore peu connue en Occident. Quel message pouvez-vous faire passer ?

« Cette situation inhumaine est encore peu connue en Occident…» RIRE. Etes-vous sûr de cette assertion ?
Vous savez, pour moi, toute atteinte à la dignité humaine quelle qu’elle soit, est insoutenable. À combien plus forte raison le viol !!!
En outre, je pense que ce sont les Africains en général et les Congolais (dirigeants et peuple) en particulier, qui doivent se sentir entièrement responsables de prendre leur destin en main. Aussi, si l’ONU et l’Occident voulaient vraiment aider la RDC et, par ricochet, toutes les victimes de viol à qui notre société intime le silence, ce serait déjà fait.
Donc, à mon humble avis, ce n’est pas une question de moyens qui font défaut ou une question de maux impossibles à résoudre, comme certains le disent. Il s’agit là d’une question purement politique et ayant pour but le lucre.
Dans ces régions en conflit dans l’est du Congo, ces viols sur nos mères et soeurs persistent car nombreux sont ceux qui en tirent les épingles du jeu, malheureusement.
Kemi Seba, panafricaniste avisé que je me permets de citer à travers sa citation qui prend tout son sens dans ce contexte, dit souvent : « Une civilisation n’est détruite de l’extérieur que si elle rongée de l’intérieur ».
Que ceci nous pousse à méditer. L’Occident, ainsi que nos élites africaines, congolaises particulièrement, ne seront jamais dignes tant qu’ils exploiteront leurs peuples pour leurs propres intérêts.

Vous vous dites passionnée de culture africaine et d’arts africains. D’où vous vient cette passion et en quoi vous anime-t-elle pour accomplir la mission que vous vous êtes donnée ?

Je ne sais pas vraiment vous dire d’où vient cette passion. C’est une réelle inclination que j’ai depuis toujours, ancrée en moi. Pour moi, Tout est emprunt d’une âme africaine. De l’artisanat à la sculpture en passant par l’esthétique, la peinture, la poterie, la musique, le vestimentaire, etc.

De ce fait, pour ce qui est d’expliquer comment cela m’anime pour accomplir la mission que je me suis donnée, je parlerais de sensibilité. Autant il faut être sensible pour admirer et apprécier l’art africain, autant il faut être sensible, en même temps et dans un même souffle, aux vulnérabilités des autres, en y apportant une approche compréhensive. C’est la manière la plus réaliste de comprendre la culture africaine et son art, à mon sens, avec son profond désir d’inspirer et d’impacter.

Par ailleurs, il convient de rappeler que l’un des principes moteur, en terme de valeur qui a toujours caractérisé l’Afrique, est celui du sens commun comme communauté de destin. Ce sont autant de notions importantes que l’on apprend très tôt dans nos communautés. Ce principe de solidarité à pouvoir appliquer où que l’on soit sa générosité, en se sentant solidaire pour des causes nobles et communes et ce, au-delà des portes de l’Afrique, me guide.

Pour conclure, notre question traditionnelle : c’est quoi pour vous « Voir l’Afrique avec les yeux du futur » ?

« Voir l’Afrique avec les yeux du futur », pour moi, c’est repositionner sa place dans le monde. Penser une Afrique capable de se développer pour elle-même et par elle-même.
Pour finir, l’Afrique du futur pour moi est celle qui va créer une capacité africaine à réponse aux crises tant internes qu’externes, une Afrique foyer si besoin, et non l’épicentre de revendications occidentales menaçant ainsi son émergence.

Merci beaucoup Anaya Sakombi pour votre combat et votre vision.

Chers lecteurs, rdv sur https://www.facebook.com/upvef pour retrouver les actualités de l’ONG Un pas vers la femme.

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