La dame de Sotchi, Nathalie Yamb, on ne l’a présente plus …. Alors écoutons-la. Nous publions aujourd’hui, jour de son anniversaire, l’interview exclusive qu’elle nous avait accordée le 3 mars 2020 et que nous avions publiée dans notre lettre stratégique « Voir l’Afrique avec les yeux du futur ». C’est parti…
Sébastien Périmony : Bonjour Madame Nathalie Yamb. Merci d’avoir accepté cette interview. Pourriez-vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore ?
Nathalie Yamb : Je suis journaliste de formation; experte et consultante en ressources humaines et communication de carrière ; et, depuis 2011, conseillère exécutive du Prof. Mamadou Koulibaly, ancien ministre de l’Economie et des finances, ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, actuel maire de la ville d’Azaguié, et prochain président de la République de Côte d’Ivoire – s’il gagne l’élection présidentielle du 31 octobre prochain pour laquelle il est en lice, ce que j’espère naturellement fortement. Je suis également la représentante spéciale et porte-parole du président honoraire du Comité international pour le mémorial Thomas Sankara, l’ex-président ghanéen Jerry John Rawlings.
Sébastien Périmony : Beaucoup vous ont découvert récemment, suite à l’impact de votre discours contre la Françafrique lors du sommet Russie-Afrique à Sotchi, en octobre 2019. Pourriez-vous nous dire comment vous avez vécu ce sommet, le tout premier entre la Russie et l’Afrique, et son importance pour l’avenir de l’Afrique ?
Nathalie Yamb : D’un côté, la Russie est un acteur global parmi les plus puissants, autant sur le plan politique que diplomatique, militaire, économique et scientifique. Tous les pays du monde renforcent leurs relations avec elle : l’Europe, la Chine, les pays arabes etc. De l’autre, l’Afrique est le continent du futur, avec une population jeune, des terres fertiles, d’innombrables ressources naturelles, mais actuellement enraciné dans la pauvreté, les conflits, la faillite des systèmes éducatifs, sanitaires, militaires et institutionnels.
Ce sommet a été l’occasion de permettre aux deux entités de faire connaissance. L’Afrique est depuis trop longtemps engoncée dans des relations privilégiées avec les anciens pays colonisateurs : la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, l’Italie etc. Ces huis-clos, improductifs pour le bien-être des populations africaines, ont été, avec le temps, élargis aux USA, à la Chine, à la Turquie et à certains pays arabes; mais il était notable que la Russie, qui n’a pas de passé colonial en Afrique mais a au contraire contribué aux combats de libération dans certains pays du continent, n’y est pas très présente, en dehors de quelques projets, en Egypte notamment.
Ce sommet et le forum économique ont permis de combler cette absence et donné l’occasion à beaucoup d’opérateurs économiques, politiques et sociaux de découvrir les potentialités que peut offrir une relation commerciale d’égal à égal, un transfert de compétences avec les Russes pour les acteurs africains, et avec les différents pays africains pour ce qui concerne les opérateurs russes.
J’ai été honorée d’être invitée à cette première rencontre, qui se distingue des sommets France-Afrique, Allemagne-Afrique, Chine-Afrique, Japon-Afrique etc. que l’on observe depuis des décennies, en ce que les autorités russes ne se sont pas contentées de convier les chefs d’Etat, membres du gouvernement et cercles d’affaires proches du pouvoir, mais elles ont innové en invitant également la société civile et surtout, comme dans mon cas, des représentants de l’opposition, à qui la parole a été donnée lors de ce sommet. Audacieux, mais pertinent.
J’ai ressenti beaucoup de fierté de voir le gouvernement rwandais procéder à l’acquisition d’une centrale nucléaire russe, maintenance et transfert de compétences inclus. Beaucoup avaient en tête une idée obsolète de la Russie, celle des goulags, de Staline etc. et ils ont découvert un pays moderne, à la technologie de pointe, qui a plein de choses à offrir dans les domaines de la médecine, de l’éducation, de la science, des médias, de l’énergie, des infrastructures, de la technologie, du numérique, de l’armement etc. De quoi élargir l’horizon pour les décideurs africains, à la recherche de partenariats équilibrés et fructueux.
Sébastien Périmony : Dans ce discours, vous avez déclaré : « L’identité et les valeurs des Africains ne sont pas différentes de celles du reste de l’humanité. Nous avons les mêmes sentiments de solidarité, de compassion et les mêmes aspirations à la liberté, à la dignité, à la justice et à la propriété. Pourtant force est de constater qu’après l’esclavage, après la colonisation, après les pseudo indépendances, on nous a reconnu le droit d’être libre, mais seulement au sein de l’enclos français. » Comment expliquez-vous que les pays d’Afrique de l’Ouest francophone soient toujours asservis économiquement militairement à la France ?
Nathalie Yamb : Juste avant d’octroyer les pseudo indépendances à ses anciens territoires, la France s’est assurée de consolider les liens d’asservissement coloniaux. Des accords ont été signés qui n’ont jamais été rompus.
La Côte d’Ivoire avait par exemple un régime parlementaire en 1958. Avant de lui offrir l’indépendance sur un plateau d’argent, la France lui a rédigé une constitution présidentialiste, qui mettait tous les pouvoirs dans les mains du président de la République. Cela lui a permis de continuer d’avoir la main mise sur tout un pays en contrôlant un seul homme, celui qu’elle a placé à sa tête, qui fut d’ailleurs ministre français à une époque, Félix Houphouët-Boigny, qui y a installé un parti-Etat répressif et a géré la Côte d’Ivoire comme s’il s’agissait de son patrimoine personnel et celui de son clan.
Au Cameroun, les Français ont commis tellement d’atrocités pour réprimer la lutte indépendantiste menée par Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, etc., qu’ils ont réussi à traumatiser des générations entières.
Ce n’est pas pour rien que l’Etat français refuse de déclassifier les archives concernant ses crimes coloniaux les plus répugnants. A cela s’ajoute que la France facilite ou impose l’arrivée au pouvoir de dirigeants dont la préoccupation première est de servir Paris, et dont la feuille de route consiste donc à opprimer leurs peuples et les maintenir dans la misère et l’ignorance. Dès lors qu’un homme politique africain ayant des velléités de rupture avec les mécanismes monétaires, économiques, militaires ou politiques mis en place pour pérenniser le système apparaît, on lui met des bâtons dans les roues, on l’étouffe financièrement, on essaie de le corrompre, on lui colle un coup d’Etat ou une rébellion dans les pattes, et si tout ça ne fonctionne pas, on l’élimine.
Mais le temps a passé. Les peuples commencent à sortir de l’endoctrinement obscurantiste dans lequel on les a enfoncés depuis trop longtemps en entretenant les divisions tribales, ethniques et religieuses, qui facilitent la survie d’un système spoliateur en favorisant des conflits internes qui détournent du vrai ennemi : la pauvreté, et les mécanismes qui maintiennent celle-ci dans le quotidien des peuples d’Afrique, pendant que la caste au pouvoir s’enrichit, grassement rétribuée par son employeur, la France, et ses complices de l’Union européenne qui ferment pudiquement les yeux. Mais cela doit changer et cela va changer ; c’est pour cela que des gens comme moi font peur à M. Macron.
Sébastien Périmony : A la suite de votre discours de Sotchi, apparemment vous avez « tapé dans le mille » comme on dit puisque vous avez été expulsée de votre propre pays ! Pour quelles raisons et comment expliquez-vous cette bêtise des gouvernements en place qui alimentent l’opposition en tentant de la faire taire ?
Nathalie Yamb : Je suis membre d’un parti politique ivoirien, LIberté et DEmocratie pour la République (LIDER) depuis 2011. Je suis ivoirienne d’adoption, j’y suis installée depuis 2007, mais je possède les nationalités suisse et camerounaise. J’ai également détenu un passeport diplomatique ivoirien de 2009 à 2012, qui m’avait été remis par l’ancien chef de l’Etat, M. Laurent Gbagbo. La loi ivoirienne permet aux non ivoiriens de militer dans les partis politiques ; la seule restriction étant qu’ils ne doivent pas les présider ou les créer. Je n’ai, à ce jour, reçu aucun document relatif à mon expulsion.
Si j’avais eu la nationalité ivoirienne, M. Ouattara ne m’aurait pas expulsée vers la Suisse, mais fait embastiller à la Maca, la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. Certains considéreront donc peut-être que j’ai eu de la chance. Moi, je sais que j’ai été détenue arbitrairement, puis arrachée illégalement à ma terre et à mon travail, sans avoir eu l’occasion de prendre mes affaires, mes médicaments, de l’argent, des papiers ou de dire au revoir à mes proches.
C’était violent. Sans doute à la mesure de la colère d’Emmanuel Macron après ma prise de parole à Sochi, dont l’écho mondial a fait trembler la Françafrique dans ses fondements. Les médias français s’étaient attelés en amont à néantiser l’importance du sommet Russie-Afrique, et non seulement l’affluence des chefs d’Etat a été énorme (47 présidents présents), mais lors de mon discours le 24 octobre 2019, tout le monde a compris que quelque chose d’important venait de se passer. Ma critique calme et sans concession du franc CFA, de la présence des bases militaires françaises et de la tutelle française sur l’Afrique à l’ONU a fait mal, très mal, car déjà dans la salle, elle a soulevé l’adhésion des participants de haut niveau présents, mais a également été suivie d’un buzz médiatique mondial. Elle a aussi provoqué le courroux du représentant de l’Ambassade de France dans l’auditoire, qui m’a apostrophée à l’issue du panel et le journal Le Monde a écrit un long article d’un ton très venimeux, dans lequel j’étais présentée comme la nouvelle icône d’un pseudo « french bashing ».
Mais si le but de la manoeuvre était de me faire taire et de déstabiliser la candidature de Mamadou Koulibaly à la présidence de la République de Côte d’Ivoire, qui a inscrit dans son projet de société les positions que j’ai exprimées à Sochi, alors ils ont obtenu l’effet contraire : j’ai dorénavant une audience et des sympathies mondiales, et les Ivoiriens, surtout les jeunes et les populations rurales, ont compris que Mamadou Koulibaly et son équipe ne sont pas des pions de la France, mais l’unique perspective d’une Côte d’Ivoire souveraine, juste et progressiste, dans laquelle il fait bon vivre, ce qui renforce ses chances pour la présidentielle.
Sébastien Périmony : Un mot sur la fraude de la nouvelle monnaie de M. Macron et M. Ouattara, l’éco ?
Nathalie Yamb : Une vraie mascarade à laquelle seuls les naïfs ont cru. Les coups de boutoir incessants que nous portons contre le franc CFA depuis des années, et qui ont reçu un écho mondial après ma sortie de Sochi, ont contraint messieurs Macron et Ouattara à monter une mise en scène qui consistait à annoncer la fin du franc CFA lors de la visite d’Emmanuel Macron à Abidjan, en décembre 2019. Ils pensaient sans doute pouvoir ainsi éteindre le feu de la contestation par la rue africaine de cette monnaie coloniale qui empêche l’industrialisation des pays qui l’utilisent, avec ses corollaires de chômage, de pauvreté et de sous-développement.
Hélas pour eux, l’entourloupe n’a pas pris et leur tentative de renommer le franc CFA en s’appropriant l’appellation « eco », qui est le projet de monnaie unique de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, tout en gardant en place les mécanismes appauvrissants et aliénants de la parité fixe avec l’euro, de la garantie par le Trésor public français et de la fabrication des billets par la France, a lamentablement échoué face au rejet de ce plan bancal, aussi bien par les populations des pays concernés que par les autorités des pays de la zone monétaire ouest-africaine, Nigeria et Ghana en tête, qui ont dit niet à cette tentative de kidnapping.
J’ai eu l’occasion de voir l’audition par les députés français du directeur général adjoint de la Banque de France et du chef de service des Affaires multilatérales et du développement de la Direction générale du Trésor public français à ce propos, le 12 février dernier et cela a confirmé ce que je pensais : 1) l’annonce d’Abidjan a été faite alors qu’aucun nouveau traité n’a réellement été signé ; c’est maintenant que les textes sont en cours de rédaction ; 2) les parlementaires français sont mal informés au sujet du franc CFA, même s’ils le sont plus que leurs confrères africains qui sont complètement zappés de la question. Une chose est certaine : ce que nous voulons, ce n’est pas une réformette, mais une rupture pure et simple, avec la sortie de la Côte d’Ivoire de la zone franc. Nous aspirons à gérer nous-mêmes notre monnaie, que nous voulons flexible, compétitive, liée à un panier de devises et capable de financer notre économie. Si M. Macron tient tant au franc CFA, qu’il l’utilise en France. Nous, nous n’en voulons plus.
Sébastien Périmony : Lors de ma conférence à la fondation Houphouët-Boigny pour les élèves de l’Institut National Polytechnique en juin de l’année dernière, j’ai proposé de faire de Yamoussoukro la capitale scientifique de l’Afrique de l’Ouest, et ai pu présenter aux 400 élèves présents, comment la Chine avait sorti en quelques années 700 millions de personnes de l’extrême pauvreté, par le lancement de grands projets industriels et infrastructurels. Connaissez-vous le projet Africarail, saboté par le prince Bolloré et ses valets sur place, qui consiste à désenclaver toute la région par des chemins de fer à grande vitesse (comme on peut les voir désormais en Ethiopie, au Kenya, ou, plus près, au Nigeria) ?
Nathalie Yamb : Le principe du sabotage n’est hélas pas nouveau. Bolloré, Bouygues, Total, etc. sont des piliers de la Françafrique, cette nébuleuse politico-économique qui maintient l’Afrique dite francophone dans l’étau français. Des monopoles sont attribués à ces entreprises et protégés par les animateurs des Etats africains, qui s’exécutent avec célérité, d’autant qu’ils bénéficient des prébendes de ce système spoliateur, contrairement à leurs peuples.
L’objectif assumé de la politique française en Afrique est d’une part de maintenir un contrôle politique sur les Etats africains francophones pour justifier le rang international de la France comme puissance mondiale, notamment à l’ONU, et d’autre part d’entretenir l’exploitation quasi hégémonique des richesses de ces mêmes Etats au profit des intérêts français. Pour permettre à cette politique de perdurer au-delà des années 60, l’Etat français soutient des dictatures inféodées à Paris, les changements de régimes au prix d’assassinats, les élections truquées, et finance des rebellions, afin de mettre hors d’état de nuire ou d’empêcher l’accès au pouvoir de tout individu ou groupe menaçant d’affaiblir le système. L’histoire de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, de la Libye, de la Centrafrique, du Togo, de l’Algérie etc. est là pour en témoigner.
Il est d’autant plus aisé pour les Français de torpiller des initiatives dont ils ne sont pas les premiers bénéficiaires que les pays concernés utilisent le franc CFA. Celui-ci est l’une des plus efficaces agences de renseignement qui existent. Les fonctionnaires du Trésor public français sont au courant de tous les mouvements de fonds au sein de la zone franc, de tous les projets en gestation, et ils ont la latitude d’étouffer dans l’oeuf, de saboter ceux qui ne sécurisent pas assez leurs intérêts. Ainsi en est-il du projet que vous évoquez. Il sera intéressant de voir le verdict qui sera rendu dans les prochaines semaines par la Cour internationale d’arbitrage dans la procédure intentée par la SCPE Geftarail, société gestionnaire du projet Africarail, contre les Etats du Niger et du Benin, qui, après avoir octroyé la concession de la construction de la boucle ferroviaire ouest-africaine à Africarail et fait ratifier cette concession par leurs parlements, ont fait volte-face quelques années plus tard pour attribuer le marché à Bolloré.
Sébastien Périmony : Comment envisager de manière sereine les prochaines élections qui auront lieu en Côte d’Ivoire cette année, sachant les intérêts de la Françafrique à maintenir le camp Ouattara au pouvoir ?
Nathalie Yamb : L’élection présidentielle du 31 octobre prochain ne sera pas sereine, puisque nous sommes déjà en pleine crise pré-électorale. La loi ivoirienne prévoit que la liste électorale soit actualisée chaque année, mais Monsieur Ouattara ne le fait pas. Il craint les 6,5 millions de nouveaux majeurs qui doivent être inscrits sur la liste électorale depuis 2012, et qui sous son règne, ont vécu la misère, la pauvreté, l’exil, la migration et ne veulent plus de lui à la tête de l’Etat ; il leur dénie donc le droit d’être électeurs.
Il s’apprête à tripatouiller encore une fois la Constitution pour éliminer le maximum de candidats et organiser la fraude électorale pour laquelle il a développé une passion immodérée depuis son arrivée au pouvoir. Il vient de mettre en place une commission chargée d’organiser les élections encore plus inféodée que par le passé : au niveau national, 12 membres sur 15 lui sont acquis ; au niveau local, 98 % des commissions sont dirigées par les membres de son parti.
Les opposants sont menacés, étouffés financièrement, emprisonnés, expulsés du pays, empêchés de manifester ou d’avoir accès aux médias de service public. Mais comme Alassane Dramane Ouattara et son clan sont les garants de la pérennisation d’un système qui profite à la France, Emmanuel Macron et l’Union européenne ont donc décidé de fermer les yeux sur tout cela, pour lui permettre de faire un troisième mandat.
Il est cependant important que les Français et les Européens le comprennent : le prix à payer pour cela sera l’afflux des migrants qui ont perdu l’espoir d’une vie meilleure en Côte d’Ivoire, ainsi que la mise en danger de leurs ressortissants et de leurs investissements dans ce pays, car la population gronde et gare à ceux qui se seront rendus complices de l’émiettement de la démocratie en Côte d’Ivoire quand le tsunami de la révolte balaiera ce pouvoir.
La seule façon de désamorcer cette bombe, c’est de tout mettre en oeuvre pour que les élections soient transparentes et crédibles : procéder immédiatement au recensement général de la population et de l’habitat, ce qui aurait dû être fait en 2018-2019 ; distribuer gratuitement les millions de cartes d’identité aux citoyens ivoiriens qui en ont fait la demande depuis des années ; ouvrir immédiatement et de façon continue l’inscription sur la liste électorale jusqu’au mois d’août ; ne pas toucher à la Constitution ; assurer l’égal traitement médiatique et financier de tous les candidats ; confier l’organisation des élections à une commission électorale formée uniquement de représentants de la société civile et enfin, réformer le code électoral afin que tous les liens d’assujettissement à l’exécutif soit supprimés et que le mode opératoire soit modifié pour que l’on ne procède qu’à un seul décompte des bulletins, sur le lieu de vote et en public.
Sébastien Périmony : Pour conclure : dites nous à quoi ressemble la Côte d’Ivoire quand vous l’imaginez avec les yeux du futur ?
Nathalie Yamb : En 2030, je vois Mamadou Koulibaly, président sortant de Côte d’Ivoire qui, grâce à une réforme constitutionnelle menée dans les règles de l’art avec une constituante, y a instauré le régime parlementaire pour contraindre l’exécutif à rendre compte au peuple et apprendre au peuple à demander des comptes à ses dirigeants, dont le nombre a été drastiquement réduit.
Je vois une population rurale qui a commencé en grand nombre à sortir de la pauvreté grâce à la réforme foncière qu’il aura initié dès le début de son mandat, le 14 décembre 2020.
Des populations enfin identifiées par un état-civil informatisé, et qui, 60 ans après la prétendue fin de la colonisation, sont redevenues propriétaires de leurs terres et peuvent ainsi entrer dans le marché hypothécaire pour améliorer leur production, leur rentabilité, leurs profits, et scolariser leurs enfants dans des écoles où l’enseignement, les enseignants et les programmes scolaires ont été mis à niveau.
Je vois la Côte d’Ivoire être devenue un terreau de main d’oeuvre qualifiée, grâce aux entreprises que la fin des monopoles et une fiscalité allégée auront permis de créer, qui embauchent et forment des personnels de qualité issus de l’apprentissage, qui aura été un des piliers de la transformation de l’école.
Je vois des populations apaisées, ayant appris la rigueur, la méritocratie, l’effort collectif et individuel et le savoir-vivre, fondation de la cohésion sociale, dans un pays ouvert sur le monde, qui aura sa propre monnaie.
Je vois des jeunes qui, au lieu de se jeter dans l’aventure mortifère de la migration vers l’Europe, retournent dans leurs villages pour y devenir des planteurs, des agro-preneurs, construire cette classe moyenne qui pourra
aller passer ses vacances où elle veut, sans avoir besoin de se cacher dans le train d’atterrissage des avions, mais en ayant payé visas et billets pour aller faire du tourisme et être contente de rentrer chez soi – même en cas de maladie, car elle sait que les infrastructures médicales y sont dorénavant
modernes et de qualité.