L’invention du colonialisme vert

Par Sébastien Périmony, le vendredi 2 avril 2021

Revue du livre de Guillaume Blanc :
L’invention du colonialisme vert : Pour en finir avec le mythe de l’Éden africain
Préface de François-Xavier Fauvelle, publié en septembre 2020 aux éditions Flammarion.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vous propose un petit théorème à résoudre comme mise en bouche…

Le théorème de Bruntland

Etienne est à Paris, ferme son appartement et met l’alarme. Il vérifie sur son Iphone 12 qu’il a bien son e-billet… et c’est parti pour l’aéroport en Uber ! Départ de Paris pour Addis-Abeba, 5 789 km en Airbus A220-300. Enfin arrivé. Etienne loue un 4X4 (Mercedes diesel 6 cylindres en ligne de 2,9 L, V8 de 4,0 L) pour se rendre directement — car la situation est grave — au village de Gich dans le parc « naturel » de Simien. C’est reparti pour 758 km. Enfin arrivé. Etienne est venu expliquer à Ménélik, un agro-pasteur vivant dans le parc qu’il doit partir car il détruit l’environnement. Les agro-pasteurs vivent pourtant ici depuis des centaines d’années en harmonie avec la nature.

Question (vous avez 2h) : « Quel est le con, Etienne ou Ménélik ? »

Ce théorème résume assez bien la folie environnementaliste de la génération des « baby-boomers », qui après avoir détruit la société industrielle chez eux, pour devenir les cols blancs d’une société de service (surtout au service de la mondialisation financière) a décidé d’empêcher par tous les sophismes possibles le reste du monde, et en particulier l’Afrique, de se développer. L’histoire racontée par Guillaume Blanc dans son livre L’invention du colonialisme vert : Pour en finir avec le mythe de l’Éden africain est un véritable pamphlet contre la folie meurtrière des organisations ô combien responsables que sont l’UNESCO, le WWF et l’UICN.

Guillaume Blanc est historien spécialisé dans l’environnement. Il enseigne à l’université Rennes 2.

Sans entrer ici dans l’intrigue qui parcours ce livre à travers le récit de l’expulsion des agro-pasteurs du village de Gich, dans le parc « naturel » de Siemen au nord de l’Ethiopie, nous reprendrons simplement, pour vous donner envie de le lire, le paradoxe de départ, la colère légitime qui s’éveille en nous lorsque que l’on découvre que :

[derrière ces ONG se trouvent] déplacements forcés de population, amendes, peines de prison, déstructuration sociale, passages à tabac, parfois viols et même meurtres, telles sont les conséquences catastrophiques de la vision occidentale de l’Afrique.

La paradoxe de départ

Le parc des Cévennes en France est présenté comme « une relation unique homme-nature (…) l’héritage de 5 000 ans d’agro-pastoralisme (…) l’agro-pastoralisme est particulièrement soutenu, car indispensable à l’entretien des milieux ouverts, menacés par l’avancée de la forêt, et donc au maintien de la biodiversité et à la qualité des paysages. »

L’agro-pastoralisme dans le parc de Simien serait par contre totalement destructeur, et il serait donc urgent d’expulser les populations qui vivent là depuis des milliers d’années ! C’est le projet de l’UNESCO, du WWF et de l’UICN depuis les années 60. Nous apprendrons d’ailleurs que ce projet a abouti !

Alors pourquoi les habitants doivent partir ? Car en Afrique les parcs « naturels » doivent être vides de toute vie humaine. Même si le paysage de la région, comme celui des Cévennes, a entièrement été façonné par l’homme au fil du temps ? Eh bien oui ! En Afrique, la nature doit être « sauvage », pour coller à l’éden mystico-romantique conceptualisé par les Occidentaux.

L’UNESCO est catégorique :

les activités agricoles et pastorales ont sévèrement affecté les valeurs naturelles du Siemien (…) les menaces pesant sur l’intégrité du parc sont l’installation humaine, les cultures et l’érosion des sols.

Aux origines du colonialisme vert

Tout cela commence dès les années 60 avec le fasciste Julian Huxley, qui lancera le Africa Special Project (Projet Spécial pour l’Afrique) car selon lui le constat est sans appel : à cause de la barbarie des Africains, la faune sauvage aura totalement disparu dans 20 ans ! La genèse et les buts explicites sont très bien retracés dans le livre de Guillaume Blanc.

A lire aussi  Russell, Wells, Huxley :
Comment la science a été dévoyée au XXe siècle

Vous découvrirez également en lisant ce livre comment est né le concept dit de « développement durable » qui a été développé lors du second sommet de la Terre en juin 1992 à Rio de Janeiro. Le concept est toujours le même, comme on l’a vu lors du sommet sur le climat en 2009 à Copenhague : la Terre brûle, nous allons tous mourir, il faut donc agir très vite ! ( dans ce cas précis, agir signifie « maintenir l’Afrique dans le sous-développement et créer de nouvelles bulles financières vertes »(4) ).

Nous ne voulons pas en dire plus ici mais nous vous conseillons de lire ce livre. Vous y découvrirez notamment le merveilleux conte de fée qui décrit comment les Occidentaux sont allés en Afrique sauver le Walia Ibex.

Pour conclure, je pense qu’il est inutile de préciser que tous les parcs naturels africains, c’est à dire les endroits où l’on a expulsé les habitants, ont été aménagés pour que tout de même, nous puissions, nous les touristes, les traverser en 4X4 et apprécier la beauté de la vie sauvage…


[1] Invention personnelle, pour en savoir plus sur le personnage, lisez le livre de Guillaume Blanc : https://editions.flammarion.com/linvention-du-colonialisme-vert/9782081504394

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